Mois de commémoration des victimes du génocide perpétré contre les membres de l'ethnie Hutue
L’objectif du mois de commémoration des victimes du génocide des Hutu est de consacrer un mois aux victimes de ce génocide afin d’organiser diverses activités appropriées allant au delà d’un acte commémoratif
1. Pourquoi le choix du mois d'octobre ?
Tout au long du conflit des années 90 dans la région des grands lacs africains, il y a eu plusieurs dates et mois significatifs au cours desquels d’importants massacres de Hutu ont eu lieu.
Le choix du mois d’octobre a été guidé par l’exigence de sélectionner le mois le plus significatif dans l’histoire du génocide contre les Hutus, pour la mémoire des victimes et pour le plaidoyer en faveur des victimes et des survivants, de manière appropriée et pacifique.
Dans ce choix, le mois d’octobre s’est démarqué, pour les raisons suivantes
A. octobre 1990 – première phase du génocide contre les Hutus
Le 1er octobre 1990, fut le tout début des hostilités durant lesquelles le crime de génocide contre le peuple hutu au Rwanda et en RDC a commencé par le FPR-Inkotanyi.
Les massacres qui ont suivi l’attaque d’octobre1990 du FPR-Inkotanyi ont marqué le début de la première phase du génocide contre le peuple Hutu avec les assassinats et la souffrance de paysans Hutu dans le nord du Rwanda. Un grand nombre de survivants ont été déplacés à l’intérieur et à l’extérieur des zones contrôlées par le FPR, vivant dans des abris «blindés». Un grand nombre d’enfants abandonnés souffrant de malnutrition, surnommé «Mayibobo», sont arrivés jusqu’à la ville de Kigali.
B. octobre 1996 – phase deux du génocide des Hutus
20 octobre 1996: Cette date marque le début de la deuxième phase du génocide contre le peuple Hutu, lorsque le FPR créa une nouvelle rébellion (AFDL) et lança deux attaques majeures au Nord et au Sud-Kivu en RDC.
- Sud Kivu
À partir du 20 octobre 1996, le FPR, avec l’aide des soldats burundais et banyamulenges, a mené des attaques systématiques sur les onze camps de réfugiés du territoire d’Uvira, tuant des dizaines de milliers de réfugiés burundais et rwandais..
Par exemple;
- 20 octobre 1996: attaque du camp de Kanganiro et assassinat de 1 000 réfugiés hutus.
- 20 octobre 1996: attaque du camps de réfugiés Itara I et II et assassinant des centaines de réfugiés hutu burundais et rwandais.
- 21 octobre 1996: incendies des camps de Lubarika et de Luberizi et assassinats de réfugiés hutu rwandais et burundais.
- 24 octobre 1996: attaque du camp de Kagunga et assassinat de 1 000 réfugiés.
Le 22 octobre 1996, après la prise de la ville d’Uvira, lorsque les réfugiés fuyaient dans plusieurs directions, le FPR a érigé de nombreuses barrières dans les territoires de Fizi et d’Uvira, et intercepta et tua un grand nombre de réfugiés hutus:
Par exemple;
- 22 octobre 1996: massacre dans le ravin de Rushima de 550 réfugiés hutu rwandais ayant survécu aux massacres de Luberizi.
- 25 octobre 1996: assassinat d’un nombre inconnu de réfugiés de Kahororo, secteur 7 de la sucrerie de Kiliba.
- 27 octobre 1996: Exécution d’autres réfugiés hutu conduits dans le ravin de Rushima par le FPR
- 29 octobre 1996, assassinat de 300 hommes réfugiés hutu dans l’église de la 8ème CEPZA (communauté pentecôtiste du Zaïre)
A partir du 20 octobre 1996, les troupes du FPR ont détruit 26 «camps de Bukavu» à Walungu, Kabare et Kalehe, ainsi que les camps improvisés de réfugiés ayant survécu à de précédents massacres, tuant davantage de réfugiés hutu..
Par exemple;
- 20 octobre 1996: attaque du camp de réfugiés de Kamanyola et assassinat de milliers de réfugiés.
- 21 octobre 1996: massacre de réfugiés de Nyarubale ayant survécu et fui l’attaque du camp de réfugiés de Kamanyola.
- 26 octobre 1996: massacres de 600 réfugiés à Nyantende et à Walungu, dont la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées, fuyant le territoire d’Uvira.
- 28 octobre 1996, assassinat des réfugiés hutu au village de Lwakabiri qui avaient fui jusqu’à trente kilomètres à l’ouest de Bukavu
- Nord Kivu
À partir du 25 octobre 1996, le FPR a mené des attaques systématiques sur les cinq camps de réfugiés du Nord-Kivu, tuant des dizaines de milliers de réfugiés hutu rwandais et de civils hutu congolais. Partant des trois camps situés le long de la route reliant Goma à Rutshuru, avec des armes lourdes et légères.
Par exemple:
- 25 au 26 octobre 1996: attaque du camp de réfugiés de Kibumba à l’arme lourde et massacre de 7 000 réfugiés hutu.
- 26 octobre 1996: attaque au camp de réfugiés de Katale à l’arme lourde et massacre de centaines de réfugiés hutu à l’arme froide.
- 26 octobre 1996: Assassinat de cent Congolais hutus déplacés interne dans le camp de personnes déplacées à Nyongera, Rutshuru.
- 31 octobre 1996: massacres de 700 réfugiés hutus dans les camps de Kahindo et de Katale.
- 30 octobre 1996, massacre de 1000 Hutu congolais, femmes et enfants compris, dans les villages de Bisoko, Mugwata, Ngugo, dans le territoire de Rutshuru.
- 30 octobre 1996: assassinat de 500 Hutus congolais dans le centre-ville de Rutshuru, près de la maison de la PNA.
C. Octobre 1997 – Bombardement des grottes de Nyakinama
Bien que de nombreux Hutus aient été continuellement tués dans de nombreuses régions du pays tout au long de l’année 1997, le mois d’octobre 1997 a été une période intense de massacres, en particulier dans les préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri. Du 23 au 28 octobre 1997, quelque 8 000 civils hutus ont été tués par des soldats de l’APR dans de grandes grottes de Nyakimana, commune de Kanama, dans la préfecture de Gisenyi.
D. Octobre 2010 – Rapport du projet mapping de la RDC
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a publié la version officielle du Rapport du projet mapping sur les violations des droits de l’homme et droit international commise entre 1993 et 2003 en République démocratique du Congo, dans laquelle son équipe a conclu que certains éléments pouvaient indiquer qu’un génocide avait été commis.
2. Pourquoi un mois pour les victimes du génocide hutu?
Mois de commémoration des victimes du génocide perpétré contre le peuple Hutu est le moment pour les survivants et les témoins du génocide hutu de donner leur témoignage et de faire savoir à leurs nations et au reste du monde ce qui leur est réellement arrivé. Surtout, c’est l’occasion de trouver des voies et moyens de plaidoyer et d’aider les survivants de ce crime qui se trouvent encore dans des zones de conflit.
Le mois de commémoration du génocide contre les hutu est l’occasion de faire campagne pour la reconnaissance de ce génocide par les institutions compétentes et de demander justice contre les auteurs de ces actes. C’est aussi l’occasion de clarifier sur la question de savoir si les crimes constituent (ou non) un crime de génocide.
Le mois de commémoration des victimes du génocide perpétré contre les Hutus est le seul cadre dans lequel les cérémonies de commémoration peuvent être organisées de manière inclusive en commémorant les victimes de toutes nationalités (congolaise, burundaise et rwandaise) et en impliquant, dans la mesure du possible, les communautés hutues congolaises et burundaises qui ont perdu les leurs aux côtés des victimes hutues rwandaises.
3. Pourquoi pas la commémoration commune « kwibuka bose » ?
3.1 Commémoration commune : Une fusion des rituels de mémoire
La commémoration commune consiste à fusionner les rituels de mémoire et rendre hommage aux victimes tuées dans des époques différentes, par des personnes différentes, dans des pays différents, et pour des motifs différents alors que pour les uns, il y a absence de la reconnaissance et justice des crimes commis contre eux.
Le génocide perpétré contre les Hutu n’est pas encore largement reconnu et sa qualification juridique est parfois contestée (s’agissait-il d’un crime de génocide ou de crimes de guerre?). Personne n’a été traduit en justice pour ce crime. Les victimes n’ont pas été identifiées et les survivants ne sont pas pris en charge. Les témoins sont harcelés et les autorités ne ménagent aucun effort pour les faire taire. Le déni de ce crime a été institutionnalisé et inscrit dans la loi.
D’autre part, le génocide perpétré contre les Tutsis a reçu une reconnaissance internationale, une justice nationale et internationale et des lois ont été adoptées pour punir et empêcher la négation de ce crime. Des thèses, des films et des livres ont été publiés et enseignés dans les écoles. Des sites commémoratifs ont été érigés et visités. Il y a donc une clarté sur ce qui est commémoré et les victimes tutsies sont honorées dans cet environnement établi qui s’est développé au cours des 25 dernières années.
Comment pouvons-nous alors commémorer communément les victimes de ces deux crimes disparates en même temps et de manière authentique?
3.2 Pourquoi pas le mois d’avril?
D’une part, avril n’est particulièrement pas le mois le plus significatif dans l’histoire du génocide commis contre les hutu. Il n’y a aucune raison pour laquelle les victimes du génocide hutu doivent absolument être commémorées en avril. Bien entendu, au mois d’avril 1994, le FPR a massacré des milliers de hutu paysans dans le nord et l’ouest du Rwanda, comme il l’a fait au cours des mois et des années qui ont suivi partout dans le pays. Il y a cependant d’autres mois significatifs où de larges massacres de Hutus ont également eu lieu (par exemple, massacres du stade de Byumba, mai 1994, le bombardement des grottes de Nyakinama du 23 au 28 octobre 1997, attaques des camps d’Uvira du 20 au 24 octobre 1996, massacre de Tingi-tingi le 1er mars 1997, etc. …).
D’une autre part, avril est le mois dédié aux victimes du génocide des Tutsis et, pour le gouvernement rwandais, avril n’est pas une période commémorative de toutes les victimes de la guerre ou de la violence qui a suivi. Pourquoi forcément organiser une commémoration des victimes hutu en avril quand, aux yeux des survivants tutsi, cela a toujours apparus comme une confrontation ou sabotage et lorsque le gouvernement rwandais et ses agences s’y opposent farouchement? Pourquoi ne pas choisir un autre mois?
3.3 La commémoration “commune” discrimine les autres nationalités
Jusqu’à présent, la commémoration commune n’est envisagée que dans le contexte rwandais et ne tient pas compte du fait que les victimes du génocide hutu sont de nationalités différentes. Ceci est injuste et discriminatoire contre un grand nombre de victimes non rwandaises.
Pour illustrer cette réalité souvent oubliée, par exemple, en octobre 1996, sur le territoire d’Uvira en RDC, deux tiers des réfugiés enregistrés par le HCR étaient de nationalité burundaise, soit environ 150.000 personnes. Ces réfugiés hutus burundais ont été chassés et massacrés aux côtés d’autres nationalités. Ils ont fui, ont fait face à la faim, et sont morts aux côtés des Hutu congolais et Hutu rwandais, massacrés par les militaires du FPR après la destruction des camps des réfugiés.
Au vu de ce qui précède, le mois d’octobre a été choisi pour être consacré à la commémoration du génocide perpétré contre les Hutus. Chaque année, le mois d’octobre sera marqué par diverses activités dans le but de:
- présenter des faits qui démontrent que les atrocités commises constituent un crime de génocide;
- demander la reconnaissance du génocide contre le peuple Hutu;
- demander justice pour les auteurs de ces actes;
- plaidoyer pour les survivants vivant dans les zones de conflit et
- commémorer et honorer les victimes de ce crime.